Derrière ses yeux

[Pedro]

Je gravissais la colline lorsque, soudain, je la vis pour la première fois.

Elle était là, assise, les yeux hagards perdus dans le vide, un bracelet rouge et or posé sur son pied. Bien que je fusse en face d’elle, je savais qu’elle ne me voyait pas. Je m’agenouillai et priai pour elle.

Je fermai les yeux et vis défiler les images de sa vie. Je ressentais tout son vécu: tout d’abord prit place la douleur, puis vint la crainte et enfin la peur. Je comprenais sa souffrance puisque je la vivais.

Tout à coup, je sentis une douleur me traverser ; elle devait alors me regarder et sans doute me fixer. Je pesai alors tout le poids de sa haine pour les hommes. Vu mon impuissance à calmer sa souffrance, je priais........;.

La douleur s’accentua. Je ne comprenais pas ce qui se passait et je demandai au Ciel de m’éclairer. La réponse vint sans tarder : « Il n’y a aucun hasard dans vos rencontres. Vous ne pouvez aider ceux qui souffrent qu’en réparant les souffrances que vous avez vous-même engendrées. »



Gardant les yeux fermés, je lui dis ceci : « Si, dans le passé, je t’ai fait subir le poids de cette charge que tu portes aujourd’hui, alors je te demande humblement pardon. Ce qui m’importe avant tout n’est pas de te tourmenter de nouveau mais de savoir que tu es enfin libérée.

Si cette charge dépasse le prix de cette prière, lorsque mes yeux s’ouvriront, je suis prêt, avec l’aide de Dieu, à te prendre par le bras et à t’aider à effacer l’image que tu t’es faite de l’homme dominateur.

Par contre, si maintenant tu es vraiment libérée, fais-moi un signe qui en sera le gage lorsqu’à nouveau j’ouvrirai les yeux. »



Je gardai le silence pendant cinq minutes et lorsque mes yeux s’ouvrirent, mon regard se posa sur ce bracelet rouge et or délicatement posé sur une feuille de papier sur laquelle étaient inscrits quelques mots en Ourdou : « J’habite sur la colline de l’autre côté du lac. Je suis danseuse au Temple de Vimala. »



Pedro :25:

[j.r.garou]

Pedro,
Un beau récit en prose, qu'on s'attend à lire en "littérature"
De quoi réfléchir et se poser des questions...
micalement

Jan

[Annick]

Un bien joli récit, Pedro.

[Allegro]

Très touchante cette prose, c'est vrai que trop souvent l'homme dominateur et imbu de lui-même en oublie que les autres vivent aussi. Bravo Pedro, je suis heureux de te compter parmi nous et j'ai hâte de te lire à nouveau.

[Pedro]

LA LUMIERE D’UNE MERE





C’est dans un petit village du Rajasthan que se vécut cette histoire.



Un riche bijoutier de Jaipur épousa une femme d’une rare beauté. En effet, sa beauté intérieure se révélait à l’extérieur. Il fut séduit lorsqu’il la vit danser pour la première fois dans le Temple de Vimala, qui est situé sur une colline du Mont Abou. Son amour pour Dieu était si intense que, lorsqu’elle dansait, sa grande beauté rayonnait et se reflétait non seulement sur le visage mais aussi dans le coeur de tous ceux qui venaient là pour prier.

Kumar, son époux qui l’aimait plus que tout, chaque jour, rendait grâce à Dieu de lui avoir envoyé cet amour. D’un commun accord, ils décidèrent d’avoir un enfant qu’ils appelleraient Radji.

Kumar Radji naquit en été par une chaleur torride...La première partie de son enfance fut merveilleuse et certaines images restèrent profondèment gravées dans son coeur et son esprit.

C’était d’abord celle du visage de sa mère lorsqu’elle venait se pencher au-dessus de son lit pour l’embrasser : il était si beau et si pur qu’autour de lui brillait un halo de lumière pareil au soleil. D’ailleurs, dès qu’il fut en âge de parler, il ne put s’empêcher de lui dire chaque jour : « Maman, tu es belle comme le soleil. Tu ressembles à l’arc-en-ciel. Tu es la princesse du soleil et de l’arc-en-ciel. Plus tard, quand je serai grand, je me marierai avec toi ! »

La seconde image qu’il ne risquait pas d’oublier était celle de ce jour particulier où, chaque année, elle l’emmenait au Temple, à trois heures du matin, alors qu’il faisait encore nuit. Ce souvenir-là, il voulait le conserver dans sa mémoire à jamais : ils quittaient l’échoppe située dans la rue principale du village et remontaient cette rue tous deux, main dans la main, en direction de la colline où se trouvait le Temple. Un petit air frais, bien apprécié en raison de la chaleur torride de la journée, portait à ses narines les parfums les plus suaves qui émanaient de toutes les fleurs qui emplissaient ces lieux.

Lorsqu’ils arrivaient en haut de la colline, à la croisée de deux chemins, sa mère s’arrêtait chaque fois et prononçait ces mots : « Mon chéri, regarde combien l’amour de Dieu est grand, lève tes yeux vers le ciel, vois-tu ces milliards d’étoiles ?... Elles ont été créées par Lui, non seulement pour nous apprendre l’humilité mais également pour nous donner la notion de ce que peut représenter l’immensité dans l’éternité. Ecoute les millions de grillons qui, remplis de bonheur, Lui rendent grâce...Ecoute également le chant de celui qui entonne la prière à l’entrée du Temple...Emplis ton coeur et ton esprit de toute cette paix. Tout ce que tu fais pour Dieu reste gravé dans ta mémoire pour toujours. C’est pourquoi, lorsque tu reviens sur terre, si tu L’aimes profondément, tout te revient. »

« Hâtons-nous maintenant, lui disait-elle chaque fois en lui reprenant la main, ton père t’attend à l’entrée. Tu seras bien sage et lorsque tu me verras danser, ce n’est pas à moi qu’il faudra penser mais à Dieu. Sache que, lorsque je danse, je Lui offre tous mes gestes. Je vais même te confier un secret que tu garderas profondément dans ton coeur : la lumière qui émane de mon corps et que tu perçois lorsque je danse, puisque tu m’en as parlé, n’est pas ma lumière mais Sa Lumière ! Regarde : avant de commencer, je ferme les yeux et je prie pour qu’Il prenne place en moi. C’est pourquoi dès que je danse, ce n’est pas moi mais Lui en moi. Alors, prie-Le très fort pour que jamais ton coeur ne L’oublie. Fais très attention, les femmes qui dansent ne dansent pas toutes avec Lui. Certaines peuvent appeler une autre force afin de te détourner de Lui. Mais si tu Le gardes dans ton coeur, tu verras toujours Sa Lumière émaner de ceux qui L’aiment vraiment. Ainsi, par cette lumière, tu seras protégé. Mais si par malheur, tu Le quittes, il te sera alors impossible de voir Sa Lumière rayonner autour des êtres ou des objets. C’est pourquoi, tel un aveugle, tu risquerais de tomber dans de nombreux fossés qui ne feraient que t’égarer et qui ne t’apporteraient que des souffrances.

Va mon chéri, n’oublie jamais ce que je viens de te confier. Regarde ton père là-bas, il te tend les bras... Moi, je vais revêtir mes habits consacrés pour la danse. »



Pour cet enfant, ce grand bonheur ne dura malheureusement pas longtemps. En effet, alors qu’il était encore tout jeune, des colons venus d’Occident envahirent le pays.

Sa mère ne passa pas inaperçue...Un de leurs officiers -c’est ainsi qu’on les nommait- séduit par sa beauté, voulut à tout prix la posséder. Etant mariée et d’une droiture éprouvée, jamais elle ne céda à ses avances, vous le pensez bien. Mais un jour où les propositions de l’officier avaient dépassé la mesure, Kumar, son époux, ne put s’empêcher de le frapper grièvement.

Depuis ce jour où il fut emmené en prison, on n’eut plus jamais de ses nouvelles...Ni de son épouse d’ailleurs ; seules quelques rumeurs laissaient supposer qu’elle auvait été emmenée captive comme servante de cet officier, dans son pays, de l’autre côté de la mer...



Le coeur de Radji avait éclaté comme une grenade trop longtemps mûrie au soleil... et bien qu’il fût tout petit, son seul désir, sa seule pensée étaient de grandir vite afin d’infliger le châtiment mérité à cet officier qui se pavanait sur son cheval, chaque matin, sur la place du marché située en bas du village. La haine emplissait son coeur et son esprit, chaque jour davantage. Il ne désirait qu’une chose : trancher la gorge de cet officier... Mais il était trop petit pour le faire.

En attendant, il travaillait avec son oncle qui avait repris la boutique de son père. Les heures lui semblaient des années ! Il n’avait pas le coeur à l’ouvrage. Même toutes ces pierres précieuses qu’il aimait tant regarder lorsque son père les enchâssait dans de somptueuses montures avaient, semblait-il, perdu tout leur éclat... Pour lui, plus aucune lumière n’émanait d’elles...D’un seul coup, il tressaillit en repensant aux paroles prononcées par sa mère : « Plus aucune lumière ...» Alors, en pleine nuit, sans même prévenir son oncle, il partit en courant rejoindre ce lieu où elle avait prononcé ces mots. Au milieu de ce croisement, il s’effondra en sanglots...Sa souffrance était si grande qu’il croyait que sa poitrine allait éclater sous l’intensité des spasmes qu’il ne pouvait plus désormais contrôler ; son corps entier semblait être en feu... Peu lui importait, bien au contraire... Il ne souhaitait qu’une chose : disparaître ! N’en pouvant plus, épuisé, vidé après tant de jours sans sommeil, il s’assoupit là comme si la vie l’avait quitté.

Lorsqu’il ouvrit les yeux, son regard fit face au ciel étoilé. Il ne comprit rien à ce qu’il éprouvait : ce ciel qu’il avait pourtant trouvé si beau en présence de sa mère lui semblait à présent terne et triste. Le chant des grillons s’était transformé en un cri strident qui déchirait ses oreilles. Tout à coup, il entendit les sons mélodieux modulés par cet hindou qui priait Dieu devant le Temple.

« Mais comment est-ce possible, le Temple a été fermé par les envahisseurs ! Seule leur religion est tolérée et tout cela au nom de l’amour de Dieu, pensa-t-il amèrement... » Intrigué, il se leva pour aller voir d’où venait la voix.

Il grimpa par le petit escalier taillé à même le roc qui menait au temple, en passant par la colline des cactus. Soudain, dans le virage, sur la gauche, oui... de la grotte du Sage s’envolait la voix ! Il entra sans même que le Sage l’y eût invité, tant sa soif d’amour était grande. Les mains jointes, inclinant la tête très respectueusement, il prononça par trois fois : « Namasté ! Namasté ! Namasté !... », ce qui signifie : je vous salue respectueusement. Puis il s’assit en tailleur face au Sage qui ne semblait même pas l’avoir vu. En effet les yeux fermés, il continuait à chanter. Radji fit de même.

« Comme je suis bien ici, se dit-il, j’ai retrouvé la lumière et la paix dans mon coeur ! » Dès qu’il eut prononcé ces mots, il se souvint des paroles de sa mère et ouvrit les yeux sans tarder pour contempler le Sage qui chantait. Oui!...c’était merveilleux : lorsqu’il était entré dans la grotte, tout lui avait semblé triste et sombre alors que maintenant, autour de lui, rayonnait un halo de lumière. Pour remercier Dieu, il ferma à nouveau les yeux. Il était étonné parce que, même à travers les yeux fermés, la lumière rayonnait. Et tout à coup, savez-vous qui il aperçut au milieu de ce halo ?...sa mère, toujours aussi belle et radieuse.

Alors, les paroles du Sage, portées non seulement par les sons mélodieux qui sortaient de sa bouche mais aussi par la lumière, car elles étaient fruits de l’amour qu’il avait pour Dieu, transmirent à l’oreille de Radji le message de sa mère qu’il ne quittait plus des yeux.

Elle s’adressa à lui : « Jamais la Lumière ne sépare ceux que Dieu a unis. La séparation des corps n’est qu’une illusion.

Ne me disais-tu pas tout petit, souviens-toi:

Plus tard, quand je serai grand, je me marierai avec toi !...Alors, si tu veux me retrouver pour toujours, ne pense pas à moi mais à la Lumière qui est en moi. Chaque fois que cette Lumière brillera d’une manière égale en toi et en moi, je te le promets, nous nous retrouverons.

Les larmes que tu as versées à ce croisement, sont liées à la Mère, Mère de toutes les mères. Ainsi, lors de ta vie, si tu as tendance à l’oublier, les émanations de ces larmes te ramèneront sur ces lieux afin que jamais tu n’oublie cet Amour qui nous uni.

A ce moment précis, Radji comprit ce qu’était “vivre l’immensité dans l’éternité ”... :25:



Pedro

Merci de m'avoir lu Annick, Garou et Allegro, je vais mettre plus bas une photo de ce fameux temple de Vimala

[Invité]

Bonjour Pedro, superbes récits.

Comme ceux ci sont en prose, pourrais tu mettre le prochain dans la rubrique littérature.

Merci Pedro et

[Pedro]

Pas de problème Campanule!
Et est-ce que ceux-ci Annick peut les transplanter ?

Excuses moi pou l'erreur d'aiguillage :oops:

[Allegro]

Je venais juste de faire la même erreur et j'ai pu l'effacer et le poster dans le bon sujet. Merci du renseignement ce qui m'a permis de lire quelques autres merveilles.

[Pedro]

Ouin,mais comment faire pour effacer Allegro?

[Invité]

Allegro et Pedro, ne vous inquiétez pas, laissez comme cela.

Pedro ne sois pas confus, cela n'est pas grave du tout, j'espère que tu nous mettras d'autres textes dans la rubrique littérature

[Allegro]

Ouin,mais comment faire pour effacer Allegro?

Tu ne peux le faire que si ton post n'est pas recouvert mais là c'est bon Campanule va s'en occuper visiblement.

[manany]

je lirais plus tard ..............pedro..............bises

[TITEFEE]

bien trop beaux tes textes pour ne pas les déguster.. alors je les ai imprimés et je les lirai à Bibi dans le car qui nous amène à Venise demain
faut pas manger trop vite un mets si délicat..

je te dirai au retour tout le plaisir qu'il nous aura procuré

en tous les cas merci

et si tu veux que je te les enregistre, dis-le moi, je le ferai avec plaisir

[Pedro]

Merci Titefée, passe un très bon séjour à Venise!

Combien j'ai aimé cette ville lorsque nous y sommes allé il y à deux ans!

Qu' entends-tu par enregitrer Titefée?

Merci également à toi Campanule,rassure toi grâce à tes propsos je ne me fais plus de soucis!

Big bisous

[Pedro]

Voilà le temple de Vimala en Inde au Mont Abu
Avec notre photo rapportée prise il y a 23 ans

[j.r.garou]

Pedro,

J'ai lu aussi la seconde partie, etquel voyage dans l'espace, le temps
et les croyances d'une Religion millénaire...

Amicalment

Jan

[Invité]

Pedro, j e me permets d'agrandir ta photo, si tu veux que je l'enlève, pas de problème.

[Pedro]

Non Campanule, il ne faut pas l'enlever au contraire je te remercie pour ton initiative et ta délicatesse.
Avec toute ma tendresse

Merci également à toi Garou

[TITEFEE]

Je voulais dire simplement Pédro,, que lorsque j'aime j'enregistre la lecture à haute voix avec un fond sonore, ou pas....et que si tu le veux à mon retour je pourrais te la lire pour que tu écoutes tes mots les yeux fermés

tu as certaines de mes poèsies ici qui sont avec des liens où tu découvriras ce que je veux dire...

[Pedro]

Avec grand plaisir Titefée
Demain j'irai voir ce dont tu me parles
très bon voyage à venise

Bise

[Invité]

un très joli texte qui donne à réfléchir et qui est une belle prose qui trouverait en effet place en littérature et j'aime beaucoup la fin, j'adore les petits mots laissés qui donnent rendez vous, c'est magique ! mille bisous à toi

isabelle

[Pedro]

Merci Isabelle, j'aimais bien cette époque ou sans le vouloir mon esprit partait dans ses lieux qui ont marqués profondément ma vie :25:

[Invité]

Merci Pedro et nous espérons te retrouver souvent dans cette rubrique.
bisous

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