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La légende de Martin et Martine par Tournesol

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La légende de Martin et Martine par Tournesol Empty La légende de Martin et Martine par Tournesol

Message  Invité Jeu 19 Juin 2008 - 10:33

A la demande de Tournesol, je remets cette légende sur pente douce deux

Voici pour illustrer le topic sur Cambrai, la légende de Martin et Martine.

Il y a douze chapitres, donc douze jours de suspens.Cette légende est écrite dans le recueil de Charles Dulin: "les contes d'un buveur de bière".


Martin et Martine

Au temps jadis, il y avait bien loin d'ici, au pays des Mores, un petit prince qui était merveilleusement beau. Il était si beau qu’avant sa naissance on avait prédit que, si jamais le roi, son père, venait á le voir il en perdrait la vue.

Le monarque, qui tenait á ses yeux, fit élever son fils au fond d'un vieux chá¢teau dans un lieu désert; mais l’enfant atteignaitá peine sa dixième année, qu’ennuyé de sa solitude, il trompa la vigilance de ses gardiens et s’échappa.

Il fut recueilli par un de ces campénaires qui promènent leur baudet aux quatre coins du monde, en criant: « Marchand de blanc sable! » ou : « A cerises pour du vieux fer!

Ce campénaire avait une dévotion particulière á saint Martin. Il donna au petit prince le nom du patron des francs buveurs et l’emmena partout avec lui. Il voyagea encore quelques années de ce cá´té, après quoi il fut pris du désir de revenir au pays de la bonne bière et des grandes pintes.

Ce n’était point l’affaire du jeune Martin. Le gars trouvait notre ciel trop gris, les gens de chez nous trop rouvelêmes, je veux dire trop vermeils, et il se dépitait de les voir ricaner á l'aspect de sa figure bronzée.

Son père adoptif entrait d’ailleurs plus souvent que par le passé dans les chapelles dédiées á son patron, et, quand il avait récité trop de prières, autrement dit quand il avait bu trop de pintes, il lui arrivait parfois de caresser á coups de fouet les épaules du pauvre petit prince. Cela fit qu’un beau jour, entre chien et loup Martin le planta lá devers Cambrai et s'enfuit dans la forêt de Proville.

Il marcha jusqu’á nuit close, tant que, rompu de fatigue et mourant de faim, il avisa une maison isolée. Il y cogna, et une jeune
fille vint lui ouvrir.

« Serait-ce un effet de votre bonté, dit-il poliment, de me loger pour cette nuit ? Je tombe de faim et de lassitude.

” Comment vous appelez-vous? demanda doucement la jeune fille.

” Martin, pour vous servir.

” Comme cela se trouve! moi, je m'appelle Martine.

” Eh bien! ma jolie Martine, ne souffrez point qu'un pauvre abandonné passe la nuit au soleil des loups.

” Je ne suis point jolie, répondit Martine, mais j'ai bon cÅ“ur et je voudrais vous le prouver. Malheureusement, mon père est un ogre et il va revenir tout á l'heure.»

Le garçonnet fit un pas en arrière. Martine ajouta vivement:

« Bah! entrez toujours. Ma mère est charitable et nous verrons á vous cacher. »

Martin avait une telle fringale qu'il jugea que le plus pressé était de satisfaire son appétit, quitte á risquer plus tard d'assouvir
celui de son há´te. Il entra résolument


Bonne lecture

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La légende de Martin et Martine par Tournesol Empty Re: La légende de Martin et Martine par Tournesol

Message  Invité Jeu 19 Juin 2008 - 10:34

La mère de Martine l'accueillit fort bien, lui donna á souper et lui
fit raconter son histoire. Il finissait á peine son récit qu'on
entendit heurter violemment á l'huis. C'était l'ogre qui revenait.
Aussitá´t sa femme ouvrit la caisse de l'horloge et Martin s'y blottit.

L'ogre se mit á table et mangea la moitié d'un veau qu'il arrosa
de trois grands brocs de bière brune. Quand il en fut au dessert, il
flaira á droite, á gauche, et se tournant vers l'horloge:

« Tiens! dit-il, la patraque est arrêtée!

— Ne vous dérangez point, mon père, s'écria Martine. Je vais la remonter á l'instant. »

Mais l'ogre était un homme d'ordre. Il se leva et alla ouvrir la caisse:

« Oh! fit-il, le joli moricaud! C'est donc cela que je sentais la chair fraîche! »

Martine se jeta á son cou.

« Mon bon père, épargnez-le, je vous en prie. Il est si gentil!

— Il sera mieux encore, accommodé aux pruneaux! » répondit l'ogre.

Il saisit son grand couteau et commença de l'aiguiser.

« Je vous reconnais bien lá , dit alors sa femme. Notre fille est
tantá´t en á¢ge de se marier, et, á cause de vos goá»ts dépravés,
personne n'en voudra que le grand Guillaume. Il nous tombe du ciel un
fils de roi dont nous pourrions faire un gendre. Monsieur n'a rien de
plus pressé que de le mettre á la broche. On n'est pas plus mauvais
père. »

L'ogre qui, au fond, n'était point un méchant homme, fut sensible
á ce reproche. D'ailleurs, la perspective d'avoir un prince pour
gendre lui souriait fort.

« Ah! c'est le fils d'un roi, dit-il. Eh bien! s'il s'engage á
épouser Martine, je consens á m'en passer, bien qu'il semble déjá
tout rissolé. »

Martin n'avait nullement envie de se marier. Il regarda Martine.
La pauvre fille n'était point belle, mais sa figure exprimait tant de
bonté qu'elle vous gagnait le cÅ“ur.

Le gars jugea qu'il devait être moins désagréable de faire le
bonheur de la fille que celui du père. « Je l'épouserai, » dit-il, et
le visage de Martine rayonna.

Le jeune prince lui avait plu tout de suite, et elle détestait
profondément le grand Guillaume, un vieux célibataire, qui la
recherchait á cause de sa dot.

Mais l'ogre était pétri d'amour-propre. Il trouva la réponse bien froide et que le prince avait été long á se décider.

« Ce n'est pas tout de dire: « Je l'épouserai, » reprit-il, il
faut voir si tu es digne de posséder un beau-père tel que moi. Qu'est-
ce que tu sais faire? »

Martin fut fort embarrassé. Il ne savait rien faire du tout, et,
á ce point de vue, le campénaire l'avait véritablement élevé comme un
prince. Il résolut de payer d'audace, et répondit bravement:

« Commandez, j'obéirai.

— Eh bien! demain, au petit jour, nous irons dans la forêt et tu
m'abattras cent mencaudées de bois. En attendant, va te coucher, dors
bien et ne fais pas de mauvais rêves. »La mère de Martine l'accueillit
fort bien, lui donna á souper et lui fit raconter son histoire. Il
finissait á peine son récit qu'on entendit heurter violemment á
l'huis. C'était l'ogre qui revenait. Aussitá´t sa femme ouvrit la
caisse de l'horloge et Martin s'y blottit.

L'ogre se mit á table et mangea la moitié d'un veau qu'il arrosa
de trois grands brocs de bière brune. Quand il en fut au dessert, il
flaira á droite, á gauche, et se tournant vers l'horloge:

« Tiens! dit-il, la patraque est arrêtée!

— Ne vous dérangez point, mon père, s'écria Martine. Je vais la remonter á l'instant. »

Mais l'ogre était un homme d'ordre. Il se leva et alla ouvrir la caisse:

« Oh! fit-il, le joli moricaud! C'est donc cela que je sentais la chair fraîche! »

Martine se jeta á son cou.

« Mon bon père, épargnez-le, je vous en prie. Il est si gentil!

— Il sera mieux encore, accommodé aux pruneaux! » répondit l'ogre.

Il saisit son grand couteau et commença de l'aiguiser.

« Je vous reconnais bien lá , dit alors sa femme. Notre fille est
tantá´t en á¢ge de se marier, et, á cause de vos goá»ts dépravés,
personne n'en voudra que le grand Guillaume. Il nous tombe du ciel un
fils de roi dont nous pourrions faire un gendre. Monsieur n'a rien de
plus pressé que de le mettre á la broche. On n'est pas plus mauvais
père. »

L'ogre qui, au fond, n'était point un méchant homme, fut sensible
á ce reproche. D'ailleurs, la perspective d'avoir un prince pour
gendre lui souriait fort.

« Ah! c'est le fils d'un roi, dit-il. Eh bien! s'il s'engage á
épouser Martine, je consens á m'en passer, bien qu'il semble déjá
tout rissolé. »

Martin n'avait nullement envie de se marier. Il regarda Martine.
La pauvre fille n'était point belle, mais sa figure exprimait tant de
bonté qu'elle vous gagnait le cÅ“ur.

Le gars jugea qu'il devait être moins désagréable de faire le
bonheur de la fille que celui du père. « Je l'épouserai, » dit-il, et
le visage de Martine rayonna.

Le jeune prince lui avait plu tout de suite, et elle détestait
profondément le grand Guillaume, un vieux célibataire, qui la
recherchait á cause de sa dot.

Mais l'ogre était pétri d'amour-propre. Il trouva la réponse bien froide et que le prince avait été long á se décider.

« Ce n'est pas tout de dire: « Je l'épouserai, » reprit-il, il
faut voir si tu es digne de posséder un beau-père tel que moi. Qu'est-
ce que tu sais faire? »

Martin fut fort embarrassé. Il ne savait rien faire du tout, et,
á ce point de vue, le campénaire l'avait véritablement élevé comme un
prince. Il résolut de payer d'audace, et répondit bravement:

« Commandez, j'obéirai.

— Eh bien! demain, au petit jour, nous irons dans la forêt et tu
m'abattras cent mencaudées de bois. En attendant, va te coucher, dors
bien et ne fais pas de mauvais rêves. »

La mère de Martine l'accueillit fort bien, lui donna á souper et
lui fit raconter son histoire. Il finissait á peine son récit qu'on
entendit heurter violemment á l'huis. C'était l'ogre qui revenait.
Aussitá´t sa femme ouvrit la caisse de l'horloge et Martin s'y blottit.

L'ogre se mit á table et mangea la moitié d'un veau qu'il arrosa
de trois grands brocs de bière brune. Quand il en fut au dessert, il
flaira á droite, á gauche, et se tournant vers l'horloge:

« Tiens! dit-il, la patraque est arrêtée!

— Ne vous dérangez point, mon père, s'écria Martine. Je vais la remonter á l'instant. »

Mais l'ogre était un homme d'ordre. Il se leva et alla ouvrir la caisse:

« Oh! fit-il, le joli moricaud! C'est donc cela que je sentais la chair fraîche! »

Martine se jeta á son cou.

« Mon bon père, épargnez-le, je vous en prie. Il est si gentil!

— Il sera mieux encore, accommodé aux pruneaux! » répondit l'ogre.

Il saisit son grand couteau et commença de l'aiguiser.

« Je vous reconnais bien lá , dit alors sa femme. Notre fille est
tantá´t en á¢ge de se marier, et, á cause de vos goá»ts dépravés,
personne n'en voudra que le grand Guillaume. Il nous tombe du ciel un
fils de roi dont nous pourrions faire un gendre. Monsieur n'a rien de
plus pressé que de le mettre á la broche. On n'est pas plus mauvais
père. »

L'ogre qui, au fond, n'était point un méchant homme, fut sensible
á ce reproche. D'ailleurs, la perspective d'avoir un prince pour
gendre lui souriait fort.

« Ah! c'est le fils d'un roi, dit-il. Eh bien! s'il s'engage á
épouser Martine, je consens á m'en passer, bien qu'il semble déjá
tout rissolé. »

Martin n'avait nullement envie de se marier. Il regarda Martine.
La pauvre fille n'était point belle, mais sa figure exprimait tant de
bonté qu'elle vous gagnait le cÅ“ur.

Le gars jugea qu'il devait être moins désagréable de faire le
bonheur de la fille que celui du père. « Je l'épouserai, » dit-il, et
le visage de Martine rayonna.

Le jeune prince lui avait plu tout de suite, et elle détestait
profondément le grand Guillaume, un vieux célibataire, qui la
recherchait á cause de sa dot.

Mais l'ogre était pétri d'amour-propre. Il trouva la réponse bien froide et que le prince avait été long á se décider.

« Ce n'est pas tout de dire: « Je l'épouserai, » reprit-il, il
faut voir si tu es digne de posséder un beau-père tel que moi. Qu'est-
ce que tu sais faire? »

Martin fut fort embarrassé. Il ne savait rien faire du tout, et,
á ce point de vue, le campénaire l'avait véritablement élevé comme un
prince. Il résolut de payer d'audace, et répondit bravement:

« Commandez, j'obéirai.

— Eh bien! demain, au petit jour, nous irons dans la forêt et tu
m'abattras cent mencaudées de bois. En attendant, va te coucher, dors
bien et ne fais pas de mauvais rêves. »


La mère de Martine l'accueillit fort bien, lui donna á souper et
lui fit raconter son histoire. Il finissait á peine son récit qu'on
entendit heurter violemment á l'huis. C'était l'ogre qui revenait.
Aussitá´t sa femme ouvrit la caisse de l'horloge et Martin s'y blottit.

L'ogre se mit á table et mangea la moitié d'un veau qu'il arrosa
de trois grands brocs de bière brune. Quand il en fut au dessert, il
flaira á droite, á gauche, et se tournant vers l'horloge:

« Tiens! dit-il, la patraque est arrêtée!

— Ne vous dérangez point, mon père, s'écria Martine. Je vais la remonter á l'instant. »

Mais l'ogre était un homme d'ordre. Il se leva et alla ouvrir la caisse:

« Oh! fit-il, le joli moricaud! C'est donc cela que je sentais la chair fraîche! »

Martine se jeta á son cou.

« Mon bon père, épargnez-le, je vous en prie. Il est si gentil!

— Il sera mieux encore, accommodé aux pruneaux! » répondit l'ogre.

Il saisit son grand couteau et commença de l'aiguiser.

« Je vous reconnais bien lá , dit alors sa femme. Notre fille est
tantá´t en á¢ge de se marier, et, á cause de vos goá»ts dépravés,
personne n'en voudra que le grand Guillaume. Il nous tombe du ciel un
fils de roi dont nous pourrions faire un gendre. Monsieur n'a rien de
plus pressé que de le mettre á la broche. On n'est pas plus mauvais
père. »

L'ogre qui, au fond, n'était point un méchant homme, fut sensible
á ce reproche. D'ailleurs, la perspective d'avoir un prince pour
gendre lui souriait fort.

« Ah! c'est le fils d'un roi, dit-il. Eh bien! s'il s'engage á
épouser Martine, je consens á m'en passer, bien qu'il semble déjá
tout rissolé. »

Martin n'avait nullement envie de se marier. Il regarda Martine.
La pauvre fille n'était point belle, mais sa figure exprimait tant de
bonté qu'elle vous gagnait le cÅ“ur.

Le gars jugea qu'il devait être moins désagréable de faire le
bonheur de la fille que celui du père. « Je l'épouserai, » dit-il, et
le visage de Martine rayonna.

Le jeune prince lui avait plu tout de suite, et elle détestait
profondément le grand Guillaume, un vieux célibataire, qui la
recherchait á cause de sa dot.

Mais l'ogre était pétri d'amour-propre. Il trouva la réponse bien froide et que le prince avait été long á se décider.

« Ce n'est pas tout de dire: « Je l'épouserai, » reprit-il, il
faut voir si tu es digne de posséder un beau-père tel que moi. Qu'est-
ce que tu sais faire? »

Martin fut fort embarrassé. Il ne savait rien faire du tout, et,
á ce point de vue, le campénaire l'avait véritablement élevé comme un
prince. Il résolut de payer d'audace, et répondit bravement:

« Commandez, j'obéirai.

— Eh bien! demain, au petit jour, nous irons dans la forêt et tu
m'abattras cent mencaudées de bois. En attendant, va te coucher, dors
bien et ne fais pas de mauvais rêves. »


La mère de Martine l'accueillit fort bien, lui donna á souper et
lui fit raconter son histoire. Il finissait á peine son récit qu'on
entendit heurter violemment á l'huis. C'était l'ogre qui revenait.
Aussitá´t sa femme ouvrit la caisse de l'horloge et Martin s'y blottit.

L'ogre se mit á table et mangea la moitié d'un veau qu'il arrosa
de trois grands brocs de bière brune. Quand il en fut au dessert, il
flaira á droite, á gauche, et se tournant vers l'horloge:

« Tiens! dit-il, la patraque est arrêtée!

— Ne vous dérangez point, mon père, s'écria Martine. Je vais la remonter á l'instant. »

Mais l'ogre était un homme d'ordre. Il se leva et alla ouvrir la caisse:

« Oh! fit-il, le joli moricaud! C'est donc cela que je sentais la chair fraîche! »

Martine se jeta á son cou.

« Mon bon père, épargnez-le, je vous en prie. Il est si gentil!

— Il sera mieux encore, accommodé aux pruneaux! » répondit l'ogre.

Il saisit son grand couteau et commença de l'aiguiser.

« Je vous reconnais bien lá , dit alors sa femme. Notre fille est
tantá´t en á¢ge de se marier, et, á cause de vos goá»ts dépravés,
personne n'en voudra que le grand Guillaume. Il nous tombe du ciel un
fils de roi dont nous pourrions faire un gendre. Monsieur n'a rien de
plus pressé que de le mettre á la broche. On n'est pas plus mauvais
père. »

L'ogre qui, au fond, n'était point un méchant homme, fut sensible
á ce reproche. D'ailleurs, la perspective d'avoir un prince pour
gendre lui souriait fort.

« Ah! c'est le fils d'un roi, dit-il. Eh bien! s'il s'engage á
épouser Martine, je consens á m'en passer, bien qu'il semble déjá
tout rissolé. »

Martin n'avait nullement envie de se marier. Il regarda Martine.
La pauvre fille n'était point belle, mais sa figure exprimait tant de
bonté qu'elle vous gagnait le cÅ“ur.

Le gars jugea qu'il devait être moins désagréable de faire le
bonheur de la fille que celui du père. « Je l'épouserai, » dit-il, et
le visage de Martine rayonna.

Le jeune prince lui avait plu tout de suite, et elle détestait
profondément le grand Guillaume, un vieux célibataire, qui la
recherchait á cause de sa dot.

Mais l'ogre était pétri d'amour-propre. Il trouva la réponse bien froide et que le prince avait été long á se décider.

« Ce n'est pas tout de dire: « Je l'épouserai, » reprit-il, il
faut voir si tu es digne de posséder un beau-père tel que moi. Qu'est-
ce que tu sais faire? »

Martin fut fort embarrassé. Il ne savait rien faire du tout, et,
á ce point de vue, le campénaire l'avait véritablement élevé comme un
prince. Il résolut de payer d'audace, et répondit bravement:

« Commandez, j'obéirai.

— Eh bien! demain, au petit jour, nous irons dans la forêt et tu
m'abattras cent mencaudées de bois. En attendant, va te coucher, dors
bien et ne fais pas de mauvais rêves. »
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La légende de Martin et Martine par Tournesol Empty Re: La légende de Martin et Martine par Tournesol

Message  Invité Jeu 19 Juin 2008 - 10:35

Je ne sais quels furent les rêves de Martin, mais Martine se retourna
vingt fois dans son lit, sans que grand-mère au sable vînt lui fermer
les yeux.

« Jamais, se disait-elle, le pauvre garçon ne pourra se tirer
d’une pareille entreprise! Si encore mon parrain était ici, il nous
aiderait á sortir d'embarras. »

Elle avait pour parrain Cambrinus, duc de Brabant, comte de Flandre, roi de la bière et fondateur de la ville de Cambrai.

A l’époque où Cambrinus apporta la brune liqueur de ce cá´té,
l’ogre qui buvait sec, fut le premier qui reconnut et proclama
l’excellence du vin d’orge. Il en advint que Cambrinus se lia avec
lui, malgré sa mauvaise réputation. Il voulut même être le parrain de
sa fille et choisit pour commère la fée des Houblons.

N'ayant pas son parrain sous la main, Martine hasarda d'invoquer
sa marraine. « Bonne marraine, fit-elle, venez-nous en aide et sauvez
mon futur époux, je vous en conjure. »

La fée parut, couronnée de feuilles et de fleurs de son nom.

« Es-tu bien sá»re qu’il t’aime, ma pauvre enfant?

— Sauvez-le toujours, marraine. Je l’aimerai tant, qu’il faudra bien qu’il me le rende.

— Soit, voici ma baguette. Elle accomplira sur-le-champ toutes
tes volontés; mais garde-toi de la perdre et surtout ne la laisse
prendre á personne. »

Martine remercia chaudement sa marraine, s'endormit rassurée et, á son réveil, alla tout confier á sa mère.

IV

Le lendemain, l’ogre conduisit Martin devant un épais fourré, á cent pas de la maison, et, l’armant d'une cognée:

« A l'œuvre, mon gars, lui dit-il; je te donne trois heures pour me faire place nette. »

Et il le quitta en riant dans sa barbe.

Il alluma sa pipe, descendit á la cave, y chargea son épaule
d’un baril de bière, se rendit ensuite á la salle á manger, choisit
dans le dressoir une pinte de la contenance d’un pot, puis monta á
son belvédère pour voir comment allait s’en tirer le pauvre Martin.

Martin n’essaya même point de donner le premier coup de cognée.
Il songeait á s’enfuir, quand Martine vint le rejoindre, en se
glissant d’arbre en arbre.

« Tenez-vous derrière moi, dit-elle, et cachez-moi bien, que mon père ne me voie. »

Et, sur-le-champ, elle toucha les arbres de sa baguette, et les
aulnes, les charmes, les trembles, les platanes, les hêtres touffus,
les frênes aux rameaux élancés, les pá¢les peupliers, les bouleaux á
la robe d'argent, les chênes centenaires, les chá¢taigniers, les
érables, les merisiers, les cornouillers tombèrent tour á tour avec un
fracas épouvantable.

Les oiseaux s'envolaient par bandes en jetant des cris d'effroi,
et aussi s’enfuyaient, affolés de peur, les chevreuils, les daims,
les cerfs, les renards, les loups et les sangliers.

Du haut de son belvédère, l’ogre contemplait cet immense
abattage. Il ouvrait des yeux grands comme des roues de charrette et ne
pouvait en croire ses yeux. Sa surprise était telle, qu’il en
oubliait de boire et laissait sa pipe s’éteindre.


Il avait pourtant trop d’amour-propre pour montrer son
étonnement, et, quand le petit boquillon revint avec sa cognée, il lui
dit d’un air railleur:

« Tu ne t’entends point trop mal á mettre les écureuils á
pied, mais tu ne m’as fait qu’un quart de jour. Il s’agit
maintenant de me creuser un vivier á l’endroit que tu viens de
nettoyer. Voici une bêche, nous verrons si tu en joues aussi bien que
de la cognée. »

Puis il ajouta en s’adressant á sa fille:

« Quant á vous, mademoiselle, vous allez me suivre et vous me
direz vos plus belles chansons, pour me tenir éveillé pendant que ce
beau lapin fera son trou.

Il avait cru apercevoir une robe blanche dans le grand massacre des arbres, et il soupçonnait vaguement sa fille.
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La légende de Martin et Martine par Tournesol Empty Re: La légende de Martin et Martine par Tournesol

Message  Invité Jeu 19 Juin 2008 - 10:36

Martin retourna á la clairière, et, comptant sur Martine, il commença
de bêcher, comme s’il ne s’était agi que de faire une fosse pour un
frêne.

Martine chanta d’abord ses chansons les plus gaies; puis peu á
peu elle ralentit la mesure, tant qu’enfin l’ogre laissa tomber sa
pipe á terre, sa tête sur l’épaule et tomba lui-même dans un profond
sommeil.

La petite fée accourut alors, légère comme une hirondelle. En
quelques coups de baguette, elle déblaya la place, creusa le sol, fit
jaillir toutes les sources et remplit le bassin d’une belle nappe
d’eau, qui resplendit comme une immense plaque d’acier aux rayons
du soleil. L’ogre, á son réveil, en fut tout ébloui.

Il descendit en grommelant et on ne peut plus mortifié. Comme midi
venait de sonner, il trouva son monde á table. Il se plaignit de ce
que la soupe était trop froide, le rá´t brá»lé, la bière sur le bas, et
chercha tout le temps un prétexte de quereller le pauvre Martin.

A la fin, il lui vint une idée.

« Quel poisson as-tu mis, dit-il, dans ton vivier? »

Du poisson! Martin, qui n’était pas pêcheur, avait justement
oublié de recommander ce point á Martine. Il ne sut que répondre.

« Ah! ah! mon gaillard, fit l’ogre, enchanté de le prendre sans
vert. On te commande un vivier, et tu oublies de l’approvisionner! Tu
es tout juste aussi malin qu’une marmotte, toi!

— Il va réparer sa faute, dit Martine.

— Qu’on porte mon café et ma bouteille de brandevin au belvédère! Nous allons voir ça. »

Et l’ogre y monta en se frottant les mains. Sa fille l’y
suivit, et c’est á peine si cette fois elle eut besoin de dire une
seule chanson. Son père s’endormait régulièrement après le dîner : il
ne tarda pas á ronfler.

En deux sauts Martine fut auprès de Martin. Malheureusement il lui
fallut plus de temps pour peupler le vivier. On comprend qu’il est
moins facile, même pour la baguette d’une fée, de créer des poissons
que de couper des arbres ou de fouir la terre. Longtemps elle battit
l’eau sans faire éclore le moindre barbillon.

Enfin, au bout d’une heure, les carpes dorées, les perches aux
nageoires de pourpre, les brochets gloutons, les anguilles roulées en
verts anneaux, les goujons, les ablettes, les loches ou guerliches
commencèrent de s’y jouer. Martin s’oubliait á les regarder, et
Martine á regarder Martin, quand tout á coup :

« Ah! je vous y prends, coquin! » cria un voix formidable, la
voix de l'ogre qui était arrivé á pas de loup. Il les saisit chacun
par une oreille et les ramena á la maison.

« Donne-moi mon couteau, dit-il á sa femme, que j’habille tout de suite ce jeune coq d’Inde. »

Sa femme vit qu’il ne fallait point le heurter de front.

« Vous feriez bien mieux, répondit-elle, d’attendre jusqu’á
demain. C’est dimanche la ducasse et nous avons á dîner deux ogres
de vos amis. On n’a pas tous les jours un prince á se mettre sous la
dent.

— Au fait! ce sera vraiment ce qui s’appelle un morceau de roi. »

Et il le serra dans son garde-manger. Je veux dire qu’il enferma Martin dans une chambre, tout au haut de la maison.
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La légende de Martin et Martine par Tournesol Empty Re: La légende de Martin et Martine par Tournesol

Message  Invité Jeu 19 Juin 2008 - 10:36

Le soir, après le souper. Martine, comme d'habitude, resta la dernière
pour couvrir le feu. Elle prit son rouet, le plaça dans le cendrier,
et, le touchant de sa baguette :

« Rouet, rouet, dit-elle, mon joli rouet, quand on m’appellera, n’oublie point de répondre pour moi. »

Elle posa en outre sa quenouille sur la première marche de
l’escalier, monta á sa chambre, mit son fuseau sur son lit et leur
fit la même recommandation; après quoi elle fut á la chambre du jeune
prince. Elle toucha la porte de sa baguette, et la porte s’ouvrit
sur-le-champ.

« Je viens vous sauver, dit-elle á Martin, mais il est
nécessaire que nous nous évadions ensemble. Vous ne sauriez sans moi
échapper á mon père. »

Elle le prit par la main, et tous deux s’enfuirent de la maison.

Un peu après l’heure du couvre-feu, l’ogre s’éveilla, et, voulant s’assurer que sa fille était dans son lit, il cria :

« Martine! Martine!

— Voilá , mon père! répondit le rouet. Je couvre le feu, je vais me coucher. »

Une heure plus tard, il s’éveilla de nouveau et cria :

« Martine! Martine!

— Voilá , mon père! répondit la quenouille. Je monte l’escalier. »

L’heure d’ensuite, il s’éveilla encore une fois :

« Martine! Martine!

— Je suis dans mon lit, je dors, bonne nuit! » répondit le fuseau.

« Tout va bien, se dit l’ogre. Nous pouvons dormir sur nos deux oreilles. » Et il ronfla comme un orgue.

Qui fut penaud? Ce fut le mangeur d’enfants, lorsqu’il vit, le
lendemain matin, que sa fille avait pris la poudre d’escampette avec
le morceau de roi qu’il destinait á sa table. Vite, il commande á
sa femme de lui apporter ses bottes de sept lieues et se met á la
poursuite des fugitifs.

Ils avaient fait beaucoup de chemin, mais les bottes de sept
lieues vont d’un tel pas que, bien qu’il eá»t perdu du temps á
chercher leur trace, l’ogre les rejoignit bientá´t.

Martine le vit venir de loin et, au détour de la route, d’un
coup de sa baguette, elle changea Martin en chapelle. Elle-même revêtit
la figure d’une de ces fillettes qui, aux fêtes carillonnées,
dressent de petits autels au coin des rues, et poursuivent les gens, un
plateau á la main, en criant: « Pour l’autel de la Vierge! Pour
l’autel de la Vierge! »

« Tu n’as pas vu passer un jeune garçon et une jeune fille? interrogea le voyageur.

— Pour l’autel de la Vierge! Pour l’autel de la Vierge! fit la fillette.

— Je te demande si tu as vu passer un jeune gars et une jeune fille.

— Pour l’autel de la Vierge! Pour l’autel de la Vierge!

— Au diable! je n’ai rien á donner! » gronda l’ogre impatienté.

Il continua sa route, battit vainement les environs et finit par
reprendre le chemin de sa maison. Sa femme, qui s’attendait á le
voir revenir bredouille, ne fut point fá¢chée de se moquer de lui un
brin.

« Tu ne les as point rencontrés? lui demanda-t-elle.

— J'avais bien cru les apercevoir, mais ils ont disparu au
tournant d'une route, et je n’ai plus trouvé qu’une chapelle où une
garcette m'a demanda l’aumá´ne.

— Que tu es bête, mon homme! Eh! parbleu! la chapelle, c’était le petit prince, et la fillette était ta fille.

— J’y retourne! s’écria l'ogre, et si je les attrape, je jure
Dieu que je fricasse l’un et que je marie l’autre au grand
Guillaume. Ce ne sera pas la moins punie des deux! »

Il repartit et ne revit point la chapelle; mais plus loin il
rencontra un magnifique rosier qui portait une belle rose blanche. Il
se baissait pour la cueillir et la rapporter á sa ménagère, quand il
réfléchit que la fleur aurait le temps de se faner et que mieux valait
la prendre en repassant.

Il voyagea longtemps, longtemps, sans découvrir les fugitifs.
Enfin, las de courir, il revint sur ses pas et ne pensa plus á la
rose. Il ne s’en souvint qu’en contant la chose á sa moitié.

« C’est trop fort, dit-elle en lui riant au nez. Quoi! tu ne
t’es point avisé que le rosier, c’était Martin et que la rose était
Martine!

— Je les attraperai, fit l’ogre, quand je devrais arracher tous les rosiers á cent lieues á la ronde! »

VII

Il se remit une troisième fois en campagne et détruisit tous les
rosiers de la route, mais déjá les fugitifs étaient revenus á leur
première forme. Ils gagnaient du terrain; pourtant, leur persécuteur
arriva presque aussi vite qu’eux au bord d’un grand lac. Martine
n’eut que le temps de changer Martin en bateau et elle-même en
batelière.

« Est-ce que vous n’avez pas vu par ici un jeune homme á la peau brune et une jeune fille vêtue de blanc? demanda l’ogre.

— Si fait, répondit la batelière. Ils ont suivi quelque temps le
bord, ensuite ils ont pris par la saulaie. » Et, repoussant le rivage
de sa rame, elle gagna le large.

L’ogre enfila le chemin qu’on lui indiquait et n’y trouva personne. Le soir tombait et notre homme était outré de fatigue.


Il retourna chez lui par Cambrai et s'arrêta au Grand Saint-Hubert,
pour boire une pinte et jouer une partie de cartes avec son compère
Cambrinus.

On a beau être père, on n’en est pas moins homme, et un homme
rangé ne se couche point sans avoir vidé sa demi-douzaine de canettes.
L’ogre en buvait quarante, c’était son ordinaire.

En trinquant il conta sa mésaventure á son compère, qui le consola de son mieux.

« Ne te fais pas de bile, lui dit-il. Ma filleule ramènera un jour ou l’autre son petit prince par le bout du nez.

— Tu crois?

— Parbleu!… C'est ta faute, aussi! Pourquoi as-tu la mauvaise
habitude de manger les moutards? Sans ce malheureux défaut, il y a
longtemps que je t’aurais fait une proposition.

— Laquelle?

— Voici, fieu. Ma bonne ville de Cambrai est en pleine prospérité
et peut se passer de mes services. J’ai donné aux Camberlots la bière
et le carillon : rien ne manque á leur félicité, et c’est pourquoi
j’ai envie d’aller planter mes choux á Fresnes, mon pays natal.
Pour lors, il me faudrait ici un brave homme qui pá»t me remplacer en
qualité de bourgmestre. »

L’ogre avait toujours rêvé les honneurs. Il vit tout de suite où
voulait en venir son compère, et fut si flatté dans son amour-propre
qu’il en oublia complètement les fugitifs.

« Et tu as songé á moi? dit-il.

— Oui, mais le diable, c’est ta passion pour la chair fraîche; on n’osera plus se marier, et cela nuira á la population.

— Qu’á cela ne tienne, fieu. Je m’engagerai, s’il le faut, á respecter la marmaille.

— Ta parole?

— J’en crache mon filet! s’écria l’ogre en se pinçant sous
le menton, ce qui est, pour les gens de chez nous, le serment le plus
solennel.

— Eh bien! tope lá , fit Cambrinus. Viens manger la soupe
dimanche prochain : j’invite les notables et je t’installe entre la
poire et le fromage. »

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Message  Invité Jeu 19 Juin 2008 - 10:37

L’ogre ne tarda point á faire un excellent bourgmestre. Sa méthode
était toute simple. Elle consistait, comme celle du gros mayeur
d'Erchin, á laisser chacun vivre á sa guise et le monde rouler sa
bosse á la volonté de Dieu.

Il avait d’ailleurs choisi pour aide de camp le grand Guillaume,
l’ancien soupirant de Martine et l’ex-greffier du gros mayeur.
C’était un vieux routier qui savait le train des affaires et qui les
menait de routine, comme une rosse aveugle tourne la meule d'une
brasserie.

Un seul souci tracassait M. le bourgmestre. Engourdis par la brune
liqueur de Cambrinus, les mynheers de Cambrai ne démarraient de
l’estaminet non plus que des bélandes engravées, et, le soir, il
n’eá»t fallu rien de moins que des crics et des treuils pour remuer
ces vivants tonneaux de bière.

On avait beau les prévenir que l’heure du couvre-feu était
sonnée, plongés dans une douce somnolence, les mynheers vous
regardaient en dodelinant de la tête et faisaient la sourde oreille.

« Ils n’entendent non plus que des morts, disait le gognat Vasse, le valet de ville.

— Je leur ferai un si beau bruit qu’ils l'orront, fussent-ils
au fin fond de la bière, » s’écria l'ogre, et, tout heureux de son
calembour, il commanda au meilleur horloger de Cambrai une magnique
horloge qu’on plaça, avec une cloche énorme, sous le dá´me de
l’há´tel de ville.

L’horloge marquait l’heure aussi juste que le ventre d’un
Fresnois. Il ne s'agissait que de choisir quelqu’un pour sonner la
cloche. Par malheur, cette fonction parut si monotone que personne ne
voulut s’en charger, á quelque prix que ce fá»t.

C’est en vain que M. le bourgmestre et son greffier cherchaient
un moyen de se tirer d'embarras. Pour y rêver á son aise, l’ogre
prit sa canardière et alla se mettre á l’affá»t dans les clairs ou,
si vous l’aimez mieux, les marais de Palluel.

IX

Caché par une immense futaille entourée de roseaux, il était lá
depuis trois heures, la gibecière aussi vide que la cervelle, quand il
aperçut, au bout de l’horizon, un point noir qui grossit peu á peu
et devint, sous ses yeux ébahis, un cygne de si grande envergure
qu’il n’en avait jamais vu de pareil.

La tête sous son tonneau, il attendit le gibier, puis soudain il se démasqua et le coucha en joue.

« Ne tirez pas! ne tirez pas! » cria l’oiseau.

L’ogre, au comble de la surprise, laissa retomber son arme. Il
avait bien entendu dire que les cygnes chantaient á l’article de la
mort, mais personne, á sa connaissance, ne les avait jamais ouá¯s
parler.

Il reconnut enfin, sur le dos du cygne, devinez qui… sa fille
elle-même. La robe blanche de Martine se confondait avec les blanches
ailes, et c'est pourquoi l’ogre ne l’avait point distinguée tout
d'abord.

Ignorant les événements survenus en son absence, Martine avait
choisi ce mode de transport pour se réfugier á Cambrai, chez son
parrain Cambrinus.

« Descends, ou je casse une aile á ta monture! » cria le chasseur.

L’oiseau s’abattit á quelques pas.

« D’où viens-tu? continua l’ogre d'un ton sévère. Est-ce une
conduite pour une jeune fille bien élevée que de se promener en l’air
sur le dos d’un cygne? »

La voyageuse, á ce discours, baissait la tête sans répondre.

« Et ton prince, qu'est-ce que tu en as fait? Je l’avais bien dit qu’il te planterait lá !

— Mais c’est lui, mon père! s'écria Martine en montrant l'oiseau. C’est Martin.

- Ah! c’est Martin! Eh bien! j’ai juré de ne plus manger les enfants, mais je n’ai rien promis pour les cygnes! »

Il saisit sa canardière. C’était fait du pauvre garçon si, plus
prompte que l’éclair, Martine ne lui avait rendu sa première forme.

Son père, furieux, lui arracha des mains sa baguette. Celle-ci
disparut sur-le-champ, et Martine, désolée, se rappela la
recommandation de sa marraine. La pauvre fille était désormais sans
arme pour protéger celui qu’elle aimait. L’ogre leur ordonna de
marcher devant, et il rentra á Cambrai de fort méchante humeur.

X

Son dépit venait surtout de ce qu’il ne savait á quel dessein
s’arrêter. Un père sensé n’eá»t point balancé une minute il eá»t
marié au plus vite les coupables; mais l’ogre n’était pas homme á
pardonner le tour que lui avait joué sa fille.

Ils rencontrèrent sur la place le grand Guillaume qui bayait aux
corneilles, en quête d’une idée. Les yeux fixés sur l’horloge, il
sentait, comme toujours, chercher midi á quatorze heures.

Le grand Guillaume était ainsi nommé de ce qu’il avait de grands
pieds, de grandes mains, une grande bouche, un grand nez et de grandes
oreilles. Bref, tout chez lui était grand, hors l’esprit et le cÅ“ur.

L’ogre lui conta son cas en deux mots. Le vieux garçon entrevit
lá un biais d’épouser Martine : il se gratta le genou… je veux
dire la tête, et, pour la première fois de sa vie, il parvint á en
extraire une idée.

« Vous avez besoin, dit-il, d’un sonneur. Eh bien! mais en voilá un tout trouvé!

— Au fait! je vais le planter lá -haut. á‡a lui apprendra á courir. »

Et l’ogre donna sur-le-champ l’ordre de faire monter Martin
près de la cloche. Hélas! pauvre Martine! Que n’avait-elle encore sa
baguette!

On enchaîna le petit prince á l’une des colonnes, on lui mit en
main un lourd maillet et on lui enjoignit de sonner l’heure
exactement, sous peine de mourir de faim.

Le grand Guillaume chargea un ex-garde-chiourme de ses amis, qui
avait nom Riboulet, de lui jeter sa nourriture et surtout de le
surveiller jour et nuit pour l’empêcher de s’endormir.

« Quant á cette belle enfant, dit-il ensuite á l’oreille de
l’ogre, si vous en êtes embarrassé, je connais un honnête garçon qui
s’en arrangera bien tout de même. »

Au clin d’œil que lui fit son greffier, le bourgmestre comprit
de qui l’honnête garçon entendait parler, et il en fut humilié
jusqu’au fond de l'á¢me.

Il enferma Martine á triples verrous et, content, en somme, de sa journée, il s’en alla boire sa pinte au Grand Saint-Hubert.

Martin sonna le couvre-feu á dix heures précises, mais M. le
bourgmestre ne rentra que passé minuit et, bien qu’il fît clair de
lune, il avait la joue empourprée d’un magnifique coup de soleil.

Le lendemain, il s’éveilla fort tard et fut visiter la
prisonnière. Il trouva la cage ouverte et l’oiseau envolé. Il demanda
á sa femme ce qu’était devenue sa fille.

« Est-ce que vous me l’avez donné á garder? » répondit celle-ci en haussant les épaules.

Il se douta que la mère et la fille étaient de connivence, mais
comme il n’aimait point les querelles de ménage, il ne souffla mot et
sortit pour dissiper sa colère.

En traversant la place, il avisa une foule de gens qui se tenaient
le bec en l’air et les yeux fixés sur l’horloge. Il leva le nez
comme les autres, et que vit-il? Martine auprès de Martin.

Il fut pris d’un terrible accès de fureur. S’il avait eu sa
canardière sous la main, nul doute qu’il n’eá»t descendu sa fille
comme une sarcelle. Quand il put recouvrer la parole, il s’écria :

« Puisque la coquine se trouve bien lá , qu’elle y reste! »

Et, sans vouloir entendre á rien, il commanda qu'on l’enchaîná¢t de l’autre cá´té de la cloche.

XI

Martin et Martine passèrent une année ainsi, exposés á toutes les
injures de l’air. Sous les feux du soleil, le visage de la jeune
fille finit par devenir presque aussi brun que celui de son compagnon.
On remarqua, comme une chose merveilleuse, qu'au fur et á mesure que
son teint se bronzait, ses traits paraissaient plus fins et plus
réguliers. Son á¢me montait, pour ainsi dire, á fleur de peau et
s'épanouissait sur sa figure. La douce majesté du sacrifice rayonnait
á son front comme une auréole.

La pauvre fille souffrait bien moins de son dur supplice que de la
souffrance de Martin. Séparée de lui par l’énorme cloche, elle ne
pouvait le voir ni même lui parler. A peine les infortunés
essayaient-ils d’échanger un mot, qu’apparaissait la face
patibulaire de Riboulet.

Le dévouement de Martine avait profondément touché le jeune
prince, et maintenant il l’aimait autant qu’il en était aimé.
Peut-être aussi leur éternelle séparation y entrait-elle pour quelque
chose.

Les mynheers de Cambrai contemplaient les deux victimes en fumant
leur pipe et, bien qu’épaissis par la bière, ils se sentaient émus de
pitié et ne pouvaient s’empêcher de les plaindre. Ils tentaient même
quelquefois d'implorer la grá¢ce des coupables, mais M. le bourgmestre
répondait invariablement par ces mots, que lui avait soufflés son
greffier :

« Ma fille est libre. Qu’elle consente á revenir chez son père et sur-le-champ je brise ses chaînes! »

Bientá´t on s’habitua tellement á ce spectacle qu'on cessa d’y
prendre garde, et le plus clair résultat de la jalousie du grand
Guillaume fut qu’á dix heures précises tous les cabarets se
vidaient, comme par enchantement, au son du couvre-feu.

Seule, la mère de Martine ne pouvait s’accoutumer au supplice de
sa fille, et, tout ogre qu’il était, son mari aurait fini par céder
á ses pleurs, sans la détestable influence qu’il subissait. Mais un
jour vient où tout se paye, et le grand Guillaume ne devait point le
porter en paradis.

Il prit, un beau matin, fantaisie á Cambrinus de rendre visite á
sa bonne ville de Cambrai. En passant sur la place, il entendit sonner
la cloche et leva la tête. Il fut très étonné d'apercevoir sa filleule.

« Qu’est-ce que tu fais donc lá ? lui dit-il.

— Hélas! mon parrain, vous avez devant vos yeux deux bien malheureuses créatures! »

Et la pauvre fille fondit en larmes.

Connaissant, pour les avoir éprouvés, les tourments de l’amour, il alla sur-le-champ trouver son ami.

« Est-ce que tu perds la boule, lui dit-il, de donner ainsi ta
fille en spectacle? Puisque ces enfants s’aiment tout de bon, que ne
les maries-tu, plutá´t que de les faire mourir á petit feu? »

« Tu vas déranger toutes nos habitudes, finit par dire le
bourgmestre. Ils sonnent si bien la cloche! C’est seulement depuis
qu’ils sont lá que je peux avoir la paix et tout le monde couché á
dix heures.

Si c’est lá que le bá¢t te blesse, répondit Cambrinus,
rappelle-toi que le roi de la bière est aussi l’inventeur du
carillon. Je me fais fort de te fabriquer deux sonneurs mécaniques qui
ressembleront comme deux gouttes d’encre á ces pauvres martyrs. Que
le couvre-feu soit sonné par Jacques ou Martin, que t’importe, pourvu
que tes jaquemarts le sonnent exactement!

— Mais que dira le grand Guillaume?

- Qui ça? ton grand niquedoule de greffier? Il n’en a que trop
dit et, d’ailleurs, il radote. Le mayeur d’Erchin l’avait bien
jugé : décidément il n’est plus bon qu’á mettre aux Vieux-Hommes!

Et il mit aux Vieux-Hommes le grand Guillaume et son ami Riboulet. Ils y sont toujours.


XII

Cambrinus fabriqua les deux jaquemarts de bronze qu’on voit
encore aujourd’hui sonner l’heure sous le dá´me de l’há´tel de
ville de Cambrai. Ils prirent le nom comme ils avaient pris la figure
et la place de Martin et de Martine.

Le jour même où on les installa, leurs prédécesseurs se marièrent
en grande pompe et prouvèrent ainsi que, malgré la vanité et la
jalousie des sots, l’esprit et la confiance trouvent parfois ici-bas
leur récompense.

On fit un superbe festin, que présidèrent le roi de la bière et la
fée des Houblons. En souvenir de son ancien métier, Martin y invita les
campénaires de Quevaucamps, Grandglise, Stambruges et autres lieux. Ils
y furent tous á baudet et superbement culottés de velours vert
bouteille.

Les gens de Cambrai racontent d’une autre façon l’histoire de
Martin et de Martine. Cela vient de ce que les Cambraisiens sont férus
du cerveau et qu’ils ont perdu la mémoire du passé; et c’est
pourquoi on dit en commun proverbe que « tous les Camberlots ont reçu
de Martin un coup de marteau ».



Dernière édition par Campanule le Dim 22 Juin 2008 - 12:25, édité 1 fois
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La légende de Martin et Martine par Tournesol Empty Re: La légende de Martin et Martine par Tournesol

Message  TOURNESOL Dim 22 Juin 2008 - 1:00

Merci Campanule mais tu aurais pu enlever ma signature qui vous donnait mal aux yeux.
J'espère que je pourrai faire des sujets pendant les mois d'été (pour ne pas dire les vacances qui pour nous n'ont plus beaucoup de sens) mais j'ai l'impression que le temps file à toute allure et que je ne pourrai jamais faire tout ce que j'ai à faire, ou alors il va falloir que je m'organise
.
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Message  Invité Dim 22 Juin 2008 - 12:24

Coucou Tournesol, je vais l'enlever par contre pente douce 1 était en anglais et Annick a passé beaucoup de temps à tout traduire à français, c'est pour cela que tu vois des signes bizarres.
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La légende de Martin et Martine par Tournesol Empty Re: La légende de Martin et Martine par Tournesol

Message  TOURNESOL Dim 22 Juin 2008 - 23:36

Maintenant je sais pourquoi certains textes de recherche sont ainsi cryptés. Ah, ces Anglais.....Merci à Annick pour ce long travail.
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