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Etoile filante
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Etoile filante
Depuis qu’elle avait découvert les « Lettres de mon Moulin », sa préférée avait été « Les étoiles ». Pour leur mystère. Pour leur éclat. Pour leur magie…Pour «… leur marche silencieuse, dociles comme un grand troupeau… ». Les étoiles…
Souvent, le soir, elle allait s’asseoir auprès du Papet, sur le vieux banc de bois à l’entrée du mas. Elle savait que si lui ne la renvoyait pas, personne n’oserait venir la chercher. L’autorité du Papet avait préséance sur l’heure du coucher. La Mamette maugréerait bien un peu dans son tablier, mais son baiser avant le sommeil serait aussi doux que d’habitude, la Mamette ne savait pas se fâcher. Donc, elle pouvait savourer cet instant de paradis, sentir le bois rugueux contre ses jambes, appuyer sa tête contre la rude taillole de laine brune et laisser le bras du Papet peser doucement sur ses épaules.
Le Papet ne fumait jamais durant cette veillée. L’odeur du tabac, même familière, aurait irrémédiablement détruit l’harmonie des senteurs du soir. Celle de la fraîcheur humide du ruisseau derrière la grange…Foin remué dans l’auge des chevaux….Odeur entêtante des lavandes, celle rustique des plants de thym et de basilic sur le rebord de la fenêtre, se mêlant à la fragrance sucrée des grands platanes….
Le Papet lui racontait les étoiles, comme l’amoureux berger à la belle Stéphanette. Et de fait, amoureux, il l’était. Eternellement. De la belle Noémie aux joues dorées comme des brugnons, qu’il avait épousée un joli matin de mai…Et tant pis si les brugnons dorés étaient devenus pommes d’api, sur lesquelles étaient passés tant d’hivers et de larmes.
De ses bêtes, des chivau camarguais à la crinière de nébuleuse aux placides Comtois qui tiraient encore les roulottes…Des chiens qu’il affectait de prendre de haut, par pudeur, aux chatons trouvés un jour au creux de la paille…Il était amoureux de tout, de la vie, de son travail, et par-dessus tout de sa terre provençale. A le voir si brun, si noueux, si sec, la pitchouno pensait volontiers que le Papet était un pur produit de cette terre, frère des oliviers et du mistral….
Ils restaient là, tous les deux, silencieux au-delà du possible….Ils se taisaient jusqu’à ce qu’enfin, une à une, les étoiles s’allument au ciel de velours sombre, comme des yeux brillants grands ouverts sur la nuit.
La voix du Papet trouait à peine le silence, parfois son doigt pointait une constellation, il détaillait les points lumineux qui la formaient, ajoutait une anecdote de son cru…La petite fille essayait de toutes ses forces de garder les yeux ouverts, malgré le lent bercement des mots de l’aïeul. Parfois, un léger sursaut « Vé , pitchouno…L’estello que toumbo ! » Une étoile filante ! Le trait de feu était passé déjà quand elle avait rouvert les yeux. Et jamais elle n’avait réussi à en voir une. L’étoile filante…Elle se souvient des mots de Daudet, le trait d’or, un hululement dans la nuit « …Qu’est-ce que c’est, berger ? –Une âme qui entre en paradis, maîtresse… » Elle n’avait jamais vu d’âme entrer en paradis…
Quand les yeux du Papet se sont fermés, par une triste soirée d’octobre, le ciel semblait pleurer dans un grand mouchoir de nuages, il n’y avait pas d’étoiles. La petite fille-devenue-grande a pensé que la belle âme du Papet avait dû entrer au paradis, droite et fière, comme il avait vécu...
Par cette chaude soirée du mois d’août, la petite-fille-devenue-grande est assise seule dans son jardin. Comme elle est loin, sa terre provençale…. Au-dessus de sa tête, les étoiles illuminent la voûte du ciel comme s’il s’y donnait une fête, mais son cœur n’y participe pas. Son cœur est bien lourd; ce matin, une voix impersonnelle lui a annoncé « Nous sommes désolés…Votre maman… » Elle avance dans l’allée, son pas mal assuré lui fait penser à cette phrase de Mauriac :
« …Quand on perd sa maman, on a l’impression de marcher seul pour la première fois… »
Elle caresse du bout des doigts le plant de romarin auquel elle tient comme à une relique, un tout petit plant que lui avait donné le Papet et dont ses soins attentifs ont fait un arbrisseau. L'odeur familière monte dans l'air du soir...
Il lui semble qu’une main invisible se pose sur son épaule, et qu'à son oreille, une voix chère murmure « Vé, pitchouno…L’estello… » Instinctivement, elle a levé les yeux : un trait lumineux traverse le ciel… Une étoile filante. La première qu’elle ait jamais vue.
Lui vient alors la pensée très douce que c’est l’âme de sa Maman qui entre en paradis, et qu’avant de l’accueillir tout là-haut, le Papet a voulu prévenir la « pitchouno ». Des larmes lui montent aux yeux comme une source qui jaillit, trop longtemps retenue. Et alors, seulement alors, elle laisse pour la première fois rouler sur ses joues la rosée brûlante au travers de laquelle les étoiles soudain semblent danser la farandole….
(il y a deux ans que Maman nous a quittés)
Souvent, le soir, elle allait s’asseoir auprès du Papet, sur le vieux banc de bois à l’entrée du mas. Elle savait que si lui ne la renvoyait pas, personne n’oserait venir la chercher. L’autorité du Papet avait préséance sur l’heure du coucher. La Mamette maugréerait bien un peu dans son tablier, mais son baiser avant le sommeil serait aussi doux que d’habitude, la Mamette ne savait pas se fâcher. Donc, elle pouvait savourer cet instant de paradis, sentir le bois rugueux contre ses jambes, appuyer sa tête contre la rude taillole de laine brune et laisser le bras du Papet peser doucement sur ses épaules.
Le Papet ne fumait jamais durant cette veillée. L’odeur du tabac, même familière, aurait irrémédiablement détruit l’harmonie des senteurs du soir. Celle de la fraîcheur humide du ruisseau derrière la grange…Foin remué dans l’auge des chevaux….Odeur entêtante des lavandes, celle rustique des plants de thym et de basilic sur le rebord de la fenêtre, se mêlant à la fragrance sucrée des grands platanes….
Le Papet lui racontait les étoiles, comme l’amoureux berger à la belle Stéphanette. Et de fait, amoureux, il l’était. Eternellement. De la belle Noémie aux joues dorées comme des brugnons, qu’il avait épousée un joli matin de mai…Et tant pis si les brugnons dorés étaient devenus pommes d’api, sur lesquelles étaient passés tant d’hivers et de larmes.
De ses bêtes, des chivau camarguais à la crinière de nébuleuse aux placides Comtois qui tiraient encore les roulottes…Des chiens qu’il affectait de prendre de haut, par pudeur, aux chatons trouvés un jour au creux de la paille…Il était amoureux de tout, de la vie, de son travail, et par-dessus tout de sa terre provençale. A le voir si brun, si noueux, si sec, la pitchouno pensait volontiers que le Papet était un pur produit de cette terre, frère des oliviers et du mistral….
Ils restaient là, tous les deux, silencieux au-delà du possible….Ils se taisaient jusqu’à ce qu’enfin, une à une, les étoiles s’allument au ciel de velours sombre, comme des yeux brillants grands ouverts sur la nuit.
La voix du Papet trouait à peine le silence, parfois son doigt pointait une constellation, il détaillait les points lumineux qui la formaient, ajoutait une anecdote de son cru…La petite fille essayait de toutes ses forces de garder les yeux ouverts, malgré le lent bercement des mots de l’aïeul. Parfois, un léger sursaut « Vé , pitchouno…L’estello que toumbo ! » Une étoile filante ! Le trait de feu était passé déjà quand elle avait rouvert les yeux. Et jamais elle n’avait réussi à en voir une. L’étoile filante…Elle se souvient des mots de Daudet, le trait d’or, un hululement dans la nuit « …Qu’est-ce que c’est, berger ? –Une âme qui entre en paradis, maîtresse… » Elle n’avait jamais vu d’âme entrer en paradis…
Quand les yeux du Papet se sont fermés, par une triste soirée d’octobre, le ciel semblait pleurer dans un grand mouchoir de nuages, il n’y avait pas d’étoiles. La petite fille-devenue-grande a pensé que la belle âme du Papet avait dû entrer au paradis, droite et fière, comme il avait vécu...
Par cette chaude soirée du mois d’août, la petite-fille-devenue-grande est assise seule dans son jardin. Comme elle est loin, sa terre provençale…. Au-dessus de sa tête, les étoiles illuminent la voûte du ciel comme s’il s’y donnait une fête, mais son cœur n’y participe pas. Son cœur est bien lourd; ce matin, une voix impersonnelle lui a annoncé « Nous sommes désolés…Votre maman… » Elle avance dans l’allée, son pas mal assuré lui fait penser à cette phrase de Mauriac :
« …Quand on perd sa maman, on a l’impression de marcher seul pour la première fois… »
Elle caresse du bout des doigts le plant de romarin auquel elle tient comme à une relique, un tout petit plant que lui avait donné le Papet et dont ses soins attentifs ont fait un arbrisseau. L'odeur familière monte dans l'air du soir...
Il lui semble qu’une main invisible se pose sur son épaule, et qu'à son oreille, une voix chère murmure « Vé, pitchouno…L’estello… » Instinctivement, elle a levé les yeux : un trait lumineux traverse le ciel… Une étoile filante. La première qu’elle ait jamais vue.
Lui vient alors la pensée très douce que c’est l’âme de sa Maman qui entre en paradis, et qu’avant de l’accueillir tout là-haut, le Papet a voulu prévenir la « pitchouno ». Des larmes lui montent aux yeux comme une source qui jaillit, trop longtemps retenue. Et alors, seulement alors, elle laisse pour la première fois rouler sur ses joues la rosée brûlante au travers de laquelle les étoiles soudain semblent danser la farandole….
(il y a deux ans que Maman nous a quittés)
Invité- Invité
Re: Etoile filante
Merci Cigale, pour le partage de ces souvenirs très emouvants
et toujours aussi bien écrits...
Une pluie d'étoiles descend sur toi...
et toujours aussi bien écrits...
Une pluie d'étoiles descend sur toi...
Eglantine- Date d'inscription : 16/05/2008
Nombre de messages : 7765
Re: Etoile filante
Merci Cigale pour ce récit tellement poétique et si bien écrit.
Lorsque je te lis, j'ai vraiment l'impression d'être en Provence et de t'entendre parler avec ton accent....c'est superbe, bravo.
999
Lorsque je te lis, j'ai vraiment l'impression d'être en Provence et de t'entendre parler avec ton accent....c'est superbe, bravo.
999
Invité- Invité
Re: Etoile filante
Très beau récit, Cigale.
Fort bien écrit comme tu nous y as habitués, et surtout beaucoup d'émotion que tu fais passer dans ton écriture.
Fort bien écrit comme tu nous y as habitués, et surtout beaucoup d'émotion que tu fais passer dans ton écriture.
Annick- Age : 2
Date d'inscription : 08/05/2008
Nombre de messages : 76492
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